Depuis l’invasion la Crimée et du Donbass en 2014, la section des commentaires de la version en ligne du monde est prise par d’assaut par des contributeurs répétant inlassablement les éléments de langage du kremlin.
Le Monde l’admettait lui-même dans son article “Identités incontrôlées ou les snipers du forum“.
Contrairement à d’autres espaces en ligne, la section commentaires des articles du Monde offre une visibilité sans équivalent dans les méthodes et éléments de langage de ce qui constitue déjà l’opération de propagande la plus efficace de l’histoire.
Avec ses sections de commentaires circonscrites aux abonnés, un nombre limité d’articles et de commentaires par jour, on y trouve, à la différence de plateformes plus ouvertes (comme Facebook, Youtube ou TikTok) un écosystème plus facile à étudier dans son entièreté.
Cela a aussi permis – fait intéressant – à une réaction de s’organiser autour de contributeurs bien identifiés. Certains contributeurs, en dépit de la loi de Brandolini se chargent chaque jour d’inlassablement d’apporter la contradiction aux missionnés de la fédération de russie.
Il est clair qu’en comparaison avec d’autres sites à l’audience plus large et potentiellement crédule, le danger présenté par cette opération n’est au fond que très limité. On notera toutefois qu’en visant particulièrement le Monde “le journal de référence”, les officines russes espèrent probablement atteindre un lectorat souvent plus proche des centres de décision politique et économique.
Si ce site n’a pas vocation à changer les choses, tant le Monde et ses équipes de modération ne semblent vouloir prendre la mesure du problème, il souhaite documenter pour la postérité les personnes, méthodes et éléments de langage utilisés. Il vise aussi à attirer l’attention des chercheurs, décideurs et citoyens sur la gravité de la situation en fournissant des éléments quantifiés et vérifiables.
Il est par ailleurs évident que ce site n’a pas pour objet de remettre en cause la liberté d’expression. Il vise tout au plus à mettre en lumière comment certains commentaires pourraient être évalués à l’aune d’autres critères objectifs que leur contenu, pour décider si ils font partie d’une entreprise de propagande et d’influence au service d’une puissance étrangère au sens de la loi du 25 Juillet 2024 visant à prévenir les ingérences étrangères en France.
En dehors du simple contenu d’un commentaire, il s’agit de le replacer dans un contexte plus large autour du contributeur (fréquence des contributions, horaires, reprise d’éléments de langage d’une puissance ennemie, métadonnées de paiement et connexion).
Par ailleurs, avec les progrès constants de l’analyse linguistique et du NLP (Natural Language Processing), il deviendra de plus en plus facile d’attribuer de large corpus textuels à leurs auteurs sur la base du reste de leur présence digitale. À ce titre, les commentaires pré-2022 (et au-dessus de tout soupçon d’avoir été générés par un LLM) présentent un intérêt tout particulier.